Entrevue avec Michel Robert SAHUC aka "Mick" (Rob Jo Star Band)
Comment se sont rencontrés les Rob Jo Star Band ?
Notre rencontre se fera à « AréPop », un magasin de disques, ouvert par Alain POBLADOR alias "Penny, en Janvier 1973, dans la banlieue populaire du Sud de Montpellier. Alain POBLADOR, était un musicien originaire d’Avignon qui avait écumé lors des sixties les scènes musicales provençales. En effet, il avait déjà une grande expérience musicale et participait à des groupes de rock comme « the Blues Stars », « the Silvers Stars », « les Ombres », « the Beavers ». En 1971, Robert CASTELLO o et moi nous avons accompagné dans des happenings musicaux le chanteur poète beat Dominique OTTAVI et nous cherchions à créer un groupe. Grâce à nos centres d’intérêts musicaux communs, une rapide empathie va se créer entre nous, Roger VIDAL, un batteur originaire de Perpignan, Alain, Robert et moi. Le groupe prend sa première forme.
En juillet, nous faisons la connaissance, de Serge SOLER, un technicien électronicien et du son, passionné de musique électronique et électro-acoustique qui viendra s’adjoindre à notre groupe. Celui-ci va jouer un rôle important, grâce à la construction de générateurs de bruits qui sont incorporés dans une table de mixage qu’il va baptiser « Waves generators ». A présent ROB JO STAR BAND est au complet et son voyage en Underground peut commencer.
La scène underground française des années 1970 semble très active, qui ont été parmi, les artistes français, une source d'inspiration pour le groupe ?
Le Rock français et sa scène Underground est un cas particulier pour plusieurs raisons. Même si historiquement parlant le rock français est apparue en 1962, il ne percera comme phénomène de masse qu'à la fin des années 70. L'existence du service militaire obligatoire a sabordé la carrière de nombreux groupes. Les musiciens français étaient dominés par l’esprit technique et d’improvisation du par le Jazz et par les expressions musicales Post romantique et les expériences contemporaine. Ses tenants se sont questionnés pendant de longues années pour savoir si chanter en français était une atteinte à l'esprit rock. La production musicale française, n’étant pas favorable à cette expression artistique, de nombreux groupes et artistes ont dû choisir entre la reconversion dans la variété ou l’abandon de ce style. Mais que va cacher, chez les Froggies, ce concept très flou, d’underground musical? Il s’agit ici, d’une résistance artistique, en lien avec les contestations d’un ordre social étouffant. Face à la toute-puissance culturelle et économique d’un « système disques » laissant peu de choses filtrer de la « chape de plomb» des yéyés, de la chanson française de variété et du rock anglo-saxon, que va se développer une contre musique ignorée des mass media ou se mettant volontairement en marge du système. Celle-ci se fera en référence à la contre- culture anglo-américaine aussi bien qu’à celle plus spécifiquement française comme le situationnisme, la Pataphysique et des revendications politiques et sociétales libertaires et gauchistes soixante-huitardes. L'histoire de la musique underground française, commencé en 1969, est surtout parisienne avec la formation de groupes créés pour la plupart par d’anciens accompagnateurs de chanteurs de variétés et des musiciens de studio. Le rock français se subdivise musicalement en styles différentes. Une branche, inspiré des modèles anglo-saxons, d’abord « Hard’n’Heavy » puis du courant Rock Progressif représentés par des groupes comme MOVING GELATINE PLATES, ERGO SUM, ALICE et CATHARSIS. L’autre courant est "underground" ou musique actuelle mélange déroutant avec délire, de paroles surréalistes, de rock, de free jazz comme GONG (le groupe d u beatnik australien Deavid Allen), AME SON, etc. Ceux-ci sont souvent politiquement engagé protestataire, avec des groupes tels que RED NOISE, KOMINTERN, MAAJUN, et les BARRRRICADES I, II (les futurs membres de Z'n'R). La première particularité musicale française va surgir en 1970 avec la sortie de l'album double de MAGMA, un groupe dont la musique, le mode d'expression, l'apparence, et la marque les distinguent de tous les autres groupes de l'époque. Sa musique est un mélange de Rock, de Jazz (Coltrane), de musique Sérielle (Igor Stravinski), il créer un langage, « le Kobaïen » et une école le « ZEUHL ». De nombreux groupe vont en devenir les disciples. Bien que moins Underground, ANGE constitué le deuxième événement qui a perturbé la scène rock français. Il va synthétiser des éléments de rocks Progressif symphoniques (GENESIS) avec la chanson à texte francophone (Jacques BREL). Dans son sillage va se créer toute une école de groupes inspirés par leurs idées musicales et théâtrales.
En 1973, nous étions en pleine période de Glam rock, que l’on appelait alors aussi Rock décadent. Les influences du RO JO STAR BAND comprenaient avant tout, le VELVET UNDERGROUND, David BOWIE, Lou REED, mais aussi le rock Psychédélique de HAWKWIND, ou le Krautrock de CAN, AMOND DULL II, AGITATION FREE. Notre philosophie musicale était de revenir à la source d’un rock psychédélique simple à la fois soft out Trash mais avec des sonorités expérimentales électro acoustique et des textes plus Stoned. Revenir à une musique populaire, jouissive et provocatrice, loin des sophistications et des technicités du Rock Progressif et de l’Underground français qui se tournaient alors vers les expériences, free Jazz, Canterburyennes ou Zappiennes, le British pop, le Prog Symphonique ou même la chanson française et parfois même le bal musette.
A la problématique du choix de la langue dans laquelle nous devons chanter, anglais, français, Kobaïen ou Volapük. Notre choix se porta vers, le « Yaourt », c’est-à-dire en anglais mais sans chercher à cacher notre ascendance française, ni cacher l’accent méridional ou exclure totalement le français. L'accent français doit être si fort, que vos oreilles doivent être comme remplis de Pélardon fondu. (* fromage au lait de brebis du Languedoc)
La seule touche réellement française se situe dans l’utilisation, par Serge Soler, de générateurs de bruits (Waves Generators) dans le style french Electroacoustic music de l’IRCAM (l'Institut de recherche et coordination acoustique/musique) et des compositeurs comme Pierre SCHAEFFER, Pierre HENRI, Bernard PARMEGIANI…
L’album Rob Jo Star Band est une espèce d’OVNI Musical ou le « Velvet Underground » aurait rencontré « Pierre Henri » afin de créer une «Messe pour le Temps présent » pour les désaxés, ou les junkys.
Qui était le label Dom qui réalise l'album de Rob Jo Star band?
Fondée en 1971 par d'anciens membres de la maison de disques VOGUE, le label Disques Dom se spécialise ensuite dans les domaines de la musique du monde et du patrimoine français puis de la musique classique. Ce petit label enregistrera EN 1979, le groupe de folk progressif franco-arménien "ZARTONG".
Comment êtes-vous parvenu à éditer votre album ?
L’idée de faire un album, fut d’abord un projet d’Alain qui voulait transmettre ses idées musicales et son plaisir de la création. Mais, il semblait naturel, dans une époque où l’on pouvait conserver la musique sur un support audio, que l’enregistrement d’un album soit nécessaire afin de laisser une trace, comme auparavant, les auteurs compositeurs, conservaient leur travail en le transcrivant sur des partitions.
En octobre et novembre 1973 pendant nos répétitions, des Labels, s’intéressent à notre groupe. En premier, un dandy de RCA, qui semblait plus séduit par le physique des musiciens que par leur musique, ensuite CBS qui emportera une bande de démos mais sans suite. Le Troisième fut DOM, qui s’engagera à produire un Album LP 33t de 40 minutes de musique environ.
Sur votre site Web, il est notifié que le LP Rob Jo Star Band a été pressé deux fois, une fois en 1973, et une fois en 1975 - pour le groupe obscur d’ aujourd'hui quelle fut la popularité de votre enregistrement en France à l'époque ?
En effet, Je dois m’expliquer sur ces dates. Bien que l’ensemble des morceaux furent composés et les démos enregistrées dans l’année 73, l’album ne fut enregistré à Marignane (banlieue de Marseille) que les 28 et 29 Mars 1974. Le LP Vinyle fut donc édité le 1 juin 1974 comme le confirme, le magazine « Rock en Folk » du 6 juin dans ces télégrammes et non le 6 juin 1973 comme je l’ai noté par erreur (date des démos). Il fut pressé à 1500 exemplaires sous le label DOM, réf. D. 3.001 U.
Par la suite, les contacts avec le Label DOM ont été rompu, car, ni Robert et moi, avions signé le contrat de cession et d’édition d’œuvre musicale. En effet, nous n’étions pas d’accord avec certaines des closes.
Nous n’avions, donc, eu aucun retour sur les ventes du LP (à l’exception de ceux que nous vendions à la sortie de nos concerts), et n’avons jamais rien touché, ni en royaltie, ni en droit d’auteur.
Si le LP fut réédité, cela signifie logiquement, que la première édition avait due bien ce vendre. Bien plus tard, nous avons appris que le DJ du Gibus, le temple du rock underground Parisien avait l’habitude de souvent passer entre les années 1974 – 1977 des morceaux du RJSB, en particulier « Loving Machine ».
Mais à l’époque du groupe nous n’avons jamais été au courant de ce fait.
Ce n’est que vers 1999, que notre " album a fait récemment l'objet d’un important battage chez les concessionnaires de LP Records." Comme le signale le spécialiste norvégien de Rock Progressif, Dag Erik Asbjørnsen, dans son ouvrage « Scented Gardens of Mind: A Comprehensive Guide to the Golden Era of Progressive Rock (1968-1980) », édité par Borderline Productions en 2000. Mais celui-ci n’en précise pas la date, qui est noté 197 ?
A la suite de nos recherches sur la raison de la présence sur un grand nombre de sites de vente de LP Vinyl, de 1975 en date d’édition, nous avons découvert que DOM devenu le label Dom 2 avait alors réédité 1000 disques, sous le code D. 3001.
Est-ce que le Rob Jo Star Band a enregistré d’autre chose en dehors de votre album ?
En tant que RJSB, nous n’avons rien d’autre d’édité. Cependant, nous avons bien enregistré une démo de deux morceaux en Français, « La Cigale » et « le Démon du Rythme » qui intéressait alors Pathé, mais cela ne s’est pas concrétisé.
Quelle et comment était la scène underground à Montpellier ?
Á l’époque Montpellier c’était la désolation, un vrai désert pour le Rock et les musiques alternatives, seuls quelques musiciens de bal, comme Gérard Pansanel ou les frères Azéma se tourneront vers le Jazz.
L’apogée musicale sur la ville, c’était la rumba catalane, celles de Manitas de Plata (Ricardo Baliardo), de son frère Hyppolite et de la famille Baliardo.
Il y avait eu aussi en fin 1969, début 1970, un éphémère groupe de Jazz Rock du nom de « Vélo Rouge ».
Pendant la période RJSB (1973 - 1974), nous n’avons eu de contact qu’avec un seul groupe Montpelliérain. Il s’appelait « Préhistoire » et jouait un prog symphonique typiquement français assez proche d’ « Ange ». Mais à ma connaissance, ils n’ont rien enregistré.
En réalité, nous fûmes le premier groupe de Rock à publier un disque sur cette capitale régionale universitaire de cette région de la France méridionale.
Puis un peu plus tard, en 1975, alors que nous avions pris le nom de « Keust », Pascal Comelade a sorti, sur le Label Pôle son premier LP « Fluence ». C’est une musique électronique répétitive, à l’aide de boucles influencé par Terry Riley. En invité sur un titre, on note la présence du Guitariste et compositeur d’HELDON, Richard PINHAS.
Cette même année, les frères Jean-Pierre et Jean-Claude Llabador vont créer le groupe de Jazz Rock « Coïncidence ».
En conclusion :
Comme une majorité des groupes français ROB JO STAR BAND, ne sera qu’une étoile filante. Le départ de Robert « Chris » pour le service militaire obligatoire, la peur de s’engager dans un projet qui devenait sérieux et l’indécision des uns et des autres, vont déterminer le sabordage du groupe en août 1974. C’est cette brève existence vat créé, au fils du temps, notre légende de l’un des Groupes Undergrounds, les plus énigmatiques de France. Cela explique que l’on retrouve souvent sur le net, la mention suivante à notre sujet : - « Même parmi les spécialistes européens de rock psychédélique, Rob Jo Star band, un seul LP, est quelque peu une énigme ».
Cependant en 1975, nous allons continuer à quatre, Roger à la batterie, Serge passé au synthé, Alain aux guitares et aux chants ainsi que moi toujours à la basse, sous l’appellation de « Keust ». Celui-ci prendra rapidement fin à son tour en fin 1975.
Par la suite, je suis le seul à avoir continué de 1976 à 1977 comme bassiste et Ondeline player au sein du Groupe « Emercency Exit », puis « Emergency », avec lequel j’ai enregistré sous le pseudonyme de « Miguel ANGULO » le LP Vinyle, « Sortie de secours » sur le Label Pôle Records, réf. Pôle 0015.
Aux noms de l’ensemble des membres du ROB JO STAR BAND, je remercie tous ce qui aime notre musique et les assure de toute notre amitié underground.
(Version anglaise de cette entrevue disponible dans l'issue prochaine de Negative Guest List)
Wednesday, 20 July 2011
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